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Stéphane Foucart

La guerre de Troie a-t-elle eu lieu ? - Librairie Vuibert, 2014

Prix Charles Oulmont 2015, dans la catégorie “Littérature”.

 
 

Stéphane Foucart, issu de l'Ecole supérieure de journalisme de Lille est aujourd’hui chargé, au sein du journal Le Monde, des questions scientifiques, et  en particulier des sciences de l'environnement et des sciences de la Terre. Ses articles et ses livres (Le populisme climatique - Claude Allègre et Cie, enquête sur les ennemis de la science et La fabrique du mensonge, comment les industriels manipulent la science et nous mettent en danger, Denoël 2010 et 2013) qui jouent depuis quelques années un rôle important dans la vulgarisation des questions liées au réchauffement climatique, nelui ont pas fait que des amis, notamment chez les « climato-sceptiques ». 
L'originalité de sa recherche sur la guerre de Troie tient à l'adoption d'un même protocole que ses essais sur les problèmes environnementaux : démêler le vrai du faux, l'improbable du plausible, ne pas confondre « absence de preuve et preuve d'absence ». Cette promenade archéologique et historique, du casque d'Ulysse à dents de sanglier au Cycle du Kosovo chanté par les guslari,  nous fait passer aussi par l'estimation de la pente qu'a dû gravir Patrocle, ou la diffusion du linéaire b. Sciences et époques variées sont mises à contribution pour cerner l’histoire du cycle troyen, fixé par l'écriture il y a près de vingt-huit siècles et sans doute l’un des plus anciens à peupler encore notre imaginaire. Il en émerge une image de la connaissance comme une forme vivante, sujette à de brusques mutations, à des phases de repos et parfois de stabilisation.

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Stéphane Foucart, en ajoutant le sous-titre Enquête sur un mythe, donne déjà le mot de passe essentiel de son livre.

Reprenant avec minutie tout ce que nous savons, ou plutôt ne savons pas sur cette guerre, il montre à quel point même les archéologues les plus chevronnés ou les dernières trouvailles de la science comme le fameux carbone 14, ou l’anthropologue René Girard qui voit dans la guerre de Troie un désir mimétique, un de ses thèmes récurrents, ont pu nous conduire à travers des théories, des spéculations intelligentes ou de somptueux poèmes, vers d’autres énigmes passionnantes avec beaucoup d’impasses qui ne nous donnaient pas les sésames dans leur totalité. 
Dès lors nous voici tourneboulés dans nos certitudes, les Troyens devenant la pointe avancée du peuple anatolien des Hittites, et le fameux peuple de la mer ressemblant comme des frères aux Achéens, ancêtres des Grecs. Guerre entre deux civilisations dont la guerre de Troie ne serait qu’un épiphénomène ? Pourquoi pas. Mais guerre qui aura des conséquences millénaires. Oui, certes, une guerre de Troie a eu lieu, mais certainement pas la guerre de Troie, friandise pour Homère et ces faiseurs de mythes incomparables que furent les Grecs. 
Dans son ouvrage petit mais serré, Stéphane Foucart s’attache à faire de son sujet un bricolage interdisciplinaire qui nous conduit à des évidences imparables : il emporte notre adhésion, conservant la gangue du mythe pour en faire sortir une vérité lumineuse entre poésie et histoire, et, au delà de Troie, pour nous ouvrir à l’espace de deux civilisations conflictuelles à l’origine d’une première antiquité.

Joël Schmidt